Cela impose un débat public !

350 millions d’euros pour une gare interconnectée entre le RER E et la ligne 15 à Villiers-sur-Marne : une telle somme impose un débat public !

La mise en service de la station de métro Bry-Villiers-Champigny, située sur la ligne 15 du Grand Paris Express, est prévue pour 2025. Cette gare est pensée pour constituer le cœur d’un nouveau quartier mixte logements/bureaux – le quartier Marne Europe – et devrait être interconnectée avec le RER E grâce à une seconde gare qui sera située en contrebas, entre les gares de Villiers-Sur-Marne/Le Plessis-Trévise – dans le centre-ville de Villiers – et celle des Boullereaux-Champigny.

Le quartier Marne Europe a été imaginé il y a une dizaine d’années. Il s’agissait de reproduire le quartier Val-de-Fontenay en y développant un centre d’affaires sur un espace d’environ 11 hectares. Le projet a évolué au fil du temps pour y intégrer du logement. Au total, près de 1 000 logements et 3 000 postes de travail y sont prévus, ainsi qu’un hôtel de luxe, un palais des congrès et un centre commercial.

Le maire de Villiers a imposé ce projet de quartier et avec la localisation de la station de la ligne 15 et exigé une interconnexion directe entre ce métro, le RER E et la ligne P du Transilien (reliant Coulommiers et Provins à la gare de l’Est) au même endroit.

Un projet extrêmement onéreux au financement encore incertain.

La gare SNCF d’interconnexion n’a pas été intégrée au coût de construction des lignes de métro du Grand Paris Express évalué à un peu plus de 40 milliards d’euros. Elle représente un coût supplémentaire évalué à 350 millions d’euros (cf. article du Parisien) dont les modalités de financement, sur lesquelles nous avons interrogé le maire de Villiers à de nombreuses reprises, ne sont aujourd’hui toujours pas connues.

Des travaux préliminaires sont d’ailleurs encore nécessaires afin d’évaluer précisément le coût et la faisabilité des travaux, dont le début est, à ce jour, annoncé pour 2029, sans aucune garantie sur la faisabilité de cette gare.

Un projet de cette ampleur sur notre territoire, pour un montant de 350 millions d’euros, mérite un débat public pour en connaître les finalités et l’apport réel : les décideurs publics doivent garder en perspective l’intérêt socio-économique de tels investissements et évaluer le rapport coût/bénéfice de la dépense publique.

Pour notre part, nous nous interrogeons sur l’intérêt de cette gare au regard de son coût : 350 millions d’euros, c’est une somme pharaonique ! Cela représente le montant spécifiquement affecté par l’État à l’aide à la création de pistes cyclables entre 2018 et 2023 sur la France entière. À titre d’exemple, c’est plus de deux fois le coût de la nouvelle gare de Montpellier.

Construire cette gare est-il le meilleur usage envisageable des deniers publics ?

 

De vives inquiétudes sur la pertinence du projet, au regard notamment de sa situation géographique, qui ne remettent pas en cause le principe de l’interconnexion.

L’interconnexion entre le RER E et la ligne 15 est évidemment nécessaire ! Et d’ailleurs elle est déjà prévue et planifiée à Val-de-Fontenay. Pourquoi dépenser autant pour en créer une supplémentaire deux gares plus loin ?

La future gare d’interconnexion serait en effet située à 800 mètres de celle du centre-ville de Villiers et à 1,2 kilomètre de celle des Boullereaux. Cette proximité interroge sur l’intérêt même du projet : pourquoi créer un nouvel arrêt de RER alors que la zone est déjà desservie par deux gares ? Pourquoi ralentir tous les voyageurs avec un arrêt supplémentaire alors que chaque minute de trajet pèse déjà lourdement sur notre quotidien ?

Par ailleurs, le projet semble indiquer que les omnibus s’arrêteraient à cette gare d’interconnexion, et ne desserviraient plus le centre de Villiers. De même, la gare routière serait déplacée à l’interconnexion. Elle allongerait en conséquence de plusieurs minutes le trajet en bus des Plesséens et Caudaciens et ajouterait de l’encombrement dans les rues déjà embouteillées du centre-ville de Villiers.

Il n’y a pas d’ambiguïté : les passagers du métro de la ligne 15 doivent pouvoir rejoindre le RER E et la ligne P à Villiers-sur-Marne. Ce qui est en cause n’est pas l’interconnexion entre les deux lignes mais les conditions de sa création à Villiers : une gare coûteuse et excentrée.

La principale motivation de la création de cette gare à cet endroit est de créer de l’attractivité pour le futur quartier d’affaires Marne Europe. Ce projet a pourtant besoin d’être urgemment révisé. Il repose sur un modèle économique dépassé depuis la crise sanitaire – la vente de bureaux – et sur une perspective de développement périmée : le coût écologique des grands ensembles et des immeubles de grande hauteur – le projet inclut 5 tours de 17 étages et 5 tours de 11 étages – est particulièrement important. Alors que nous avons besoin de préserver les espaces naturels, ce projet aura pour effet d’artificialiser les sols sur près de 9 hectares.

Le coût de ce nouveau quartier doit aussi être pris en compte. Lors de sa conception, il y a une dizaine d’années, il était évalué à plus de 400 millions d’euros. Les choix architecturaux viennent aujourd’hui majorer ces estimations et pourraient compromettre le projet.

Un projet qui sera source de très fortes nuisances pour les usagers.

Par ailleurs, les nuisances liées à la construction de cette gare SNCF d’interconnexion viendront perturber la régularité de la ligne E, dont les usagers subissent déjà les nombreux retards, les annulations de trains répétées et les arrêts du service le soir et les week-ends.

Alors que la régularité du service est indispensable, envisager des années de suppressions de train et de ruptures de service, le soir et le week-end, n’est pas acceptable. La situation sera d’ailleurs d’autant moins supportable pour les usagers que la création de la gare n’améliorera ni les voies ni le matériel roulant. Ces 350 millions pourraient être très utiles pour améliorer la qualité des trajets quotidiens des usagers.

Des projets alternatifs à la gare d’interconnexion envisageables.

Aussi, nous devons faire preuve d’imagination pour envisager une autre manière de relier deux gares situées à moins de 800 mètres l’une de l’autre sans rupture de mobilité.

La première qui vient à l’esprit est le bus autonome. Il s’agirait de mettre en place une navette permanente entre les deux gares assurant ainsi l’interconnexion. Cette solution serait d’autant moins coûteuse que la voie – le chemin des Boutaraines – existe déjà. Une fois réaménagée, la gare du centre-ville de Villiers pourrait par ailleurs permettre l’arrêt des trains de la ligne P.

Une seconde idée pourrait être, d’une part, de renforcer la desserte en bus sur la voie publique entre les deux gares et, d’autre part, de permettre aux usagers de circuler à pied et à vélo sur ce chemin, en l’abritant des intempéries.

Il apparaît indispensable de réouvrir la discussion sur les mobilités dans l’est du Val-de-Marne, et d’envisager toutes les hypothèses d’utilisation de l’argent public – 350 millions d’euros, c’est aussi le coût de la construction de 10 kilomètres de tramway. Certes, le débat public, comme élément de la déclaration d’utilité publique, a bien eu lieu il y a plusieurs années. Le changement des modes de vie depuis la crise sanitaire, la prise en compte du dérèglement climatique et l’évolution de l’équilibre du projet doit nous obliger cependant à revenir devant les citoyens pour solliciter leur avis.

Le cadencement des nombreux travaux prévus sur la voie du RER E au cours des dix prochaines années (rénovation de la voie ferrée, modernisation de la gare de Val-de-Fontenay, construction de la gare Bry-Villiers-Champigny) doit faire l’objet du même débat public.

Si nous n’avons pas la conviction profonde de la pertinence de cet investissement au regard de son coût, nous sommes persuadés que la décision finale doit revenir aux usagers de cette ligne et aux Villiérains. Seul un débat argumenté et participatif pourra permettre un choix éclairé qui bénéficiera à tous.

Yasmina Benbelkacem Conseillère Municipale Villiers-sur-Marne

Quentin Maleine Conseiller Municipal Villiers-sur-Marne

Frédéric Massot Conseiller Municipal Villiers-sur-Marne

 

En savoir plus

À Villiers-sur-Marne, des élus d’opposition remettent en question la gare d’interconnexion entre la 15 et le RER E, et le projet Marne Europe - https://94.citoyens.com/ - Lire l'article

 

Coup dur pour le projet de Marne Europe, avec ses 6 000 emplois et son palais des congrès, reporté de deux ans - https://www.leparisien.fr - Lire l'article

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